Chaque halte est l’occasion de mieux comprendre l’héritage de 14-18, grâce à des passeurs de mémoire qui habitent ces lieux et cultivent une relation particulière avec leur histoire.

A neuf ans, quelqu’un m’a offert une baïonnette américaine, récupérée dans le sol. C’est comme ça que tout a commencé

Dans une ancienne grange, jusqu’à côté de l’église, Jean-Paul expose plus de 60 000 objets en lien avec la guerre qu’il a collectés, depuis plus de 40 ans, dans un rayon de 5 km autour de son village.

Dans un village au nord de la France, en Romagne-sous-Montfaucon, pas très loin de Verdun et la foret de L’Argonne, se trouve le musée Romagne 14-18. Pendant plus de 40 ans le propriétaire Jean Paul de Vries a rassemblé une collection extraordinairement impressionnante dans ce musée à petite échelle. Le musée est constitué essentiellement sur des objets trouvés dans un rayon de quelques kilomètres autour de Romagne sous Montfaucon. Dans le décor intime de son musée, Jean-Paul raconte la petite histoire d’une Grande Guerre. Dans la région où en 1918, il y avait plus qu’un million des soldats américains qui luttaient contre les troupes allemandes. Un siècle plus tard Jean-Paul guide les descendants de ces soldats dans son musée. Mais aussi des personnes qui n’ont pas directement un lien avec ces combattants trouvent le chemin vers Romagne plus que jamais. Chaque année, plusieurs milliers de visiteurs de toute l’Europe, Japon et les Etats-Unis visitent ce lieu de mémoire doté d’une âme. Le musée attire aussi un jeune public international. Nombreux sont les écoles françaises et étrangères qui ont sur leurs programmes éducatifs une visite à Romagne. Aujourd’hui le guide touristique “Lonely Planet” compte le musée Romagne 14-18 parmi les cinquante trésors de l’Europe. A juste titre !

Les yeux de Jean-Paul sont entrainés jusqu’à l’extrême dans le balayage du sol. Pendant des milliers d’heures déjà, il s’est entraîné à cette discipline en parcourant les champs et les bois autour de Romagne.

Avec des copains, on a trouvé les corps de dix-huit soldats morts, dans une tranchée. Parmi eux, il y avait deux de mon âge. J’ai compris que ce n’était pas normal. Depuis lors, c’est devenu pour moi une obligation de passer le message…

Jean-Paul a l’habitude de signaler la présence des obus pour la sécurité du propriétaire du champ. Les machines agricoles d’aujourd’hui vont plus en profondeur et remontent les secrets de guerre. Ces munitions présentent encore aujourd’hui un risque réel. Elles deviennent plus dangereuses à mesure de leur vieillissement.

En présentant sa collection unique et dans un style très personnel, Jean-Paul sait transmettre les émotions de la Première Guerre Mondiale aux visiteurs et il contribue de façon captivant à mieux comprendre le immense drame qui a touché le monde et en particulier Romagne il y a un siècle.

À Romagne-sous-Montfaucon, petit village autrefois occupé par les Allemands, Jean-Paul de Vries a compris que les objets restent muets lorsqu’ils sortent de leur contexte. Ancien fouilleur, chercheur de militaria, il a changé suite à la découverte de corps de jeunes soldats. Franco-hollandais, il s’est installé dans ce village il y a 20 ans, et y a ouvert un petit musée très touchant car il sensibilise au fait que tous les soldats sont avant tout des êtres humains.

Ce soulier a sans doute été réalisé par un soldat allemand pour un des enfants du village. Derrière chaque objet, il y a une histoire personnelle

Le silence est permanent sur le champ de bataille. Plus aucun oiseau ne passe au-dessus de la forêt. Est-ce un signe de la toxicité des lieux?

Sur un front de 15 km, les combats de 1914 et 1915 menés dans les forêts d’Argonne ne permirent à aucun des deux camps une avancée territoriale. Le théâtre d’atroces combats coûteront la vie à 140 000 soldats français, soit 10% des morts de la Grande Guerre.

De l’autre côté de l’Argonne, sur la crête des Eparges, des bénévoles de l’association Horizon 14-18 proposent des circuit souvenirs aux marcheurs désireux de toucher l’histoire du bout des doigts. Ces passeurs de mémoire sont des personnes qui vivent au quotidien avec ce patrimoine et composent avec des clés de lecture très personnelles mais pertinentes de l’ environnement tel qu’il a été formé par la guerre dans chaque zone du front.

Un jeune bénévole de l’association a revêtu l’uniforme d’un soldat allemand. Il est important pour les jeunes générations de montrer les leçons du passé. Patrick Losson précise bien que les soldats des deux camps ont véçu le même enfer pendant 4 ans.

Mon but est de permettre aux jeunes de comprendre le devoir de mémoire et de le perpétuer. Je ne joue pas à la guerre, je veux la faire connaître

Patrice Losson, créateur et président de l’association Horizon 14-18 – Les Éparges, est un passionné de la Première Guerre mondiale. Il connaît l’histoire des Éparges par cœur.

Le nom « les Eparges » entraîne systématiquement l’évocation de l’enfer de la grande guerre, la destruction des paysages, la disparition de milliers de soldats. Il n’est pas question de passéisme mais le devoir de mémoire doit se poursuivre.

En 2014, année du centenaire de la bataille de Brandeville, un artiste local d’origine allemande, Rainer Tappeser, a réalisé une œuvre intitulée « Guerre-Paix » dédiée à Jean Jaurès, défenseur de la paix et de l’amitié franco-allemande.

Avec la collaboration d’Isabelle Masson Loodts, archéologue, historienne de l’art et journaliste spécialisée sur les questions environnementales de la Grande Guerre (www.paysagesenbataille.be)