Septembre 1915
Pour cette première journée de combat, chaque doigt de la Main aura couté une moyenne de 1000 hommes. Aujourd’hui, des bénévoles ont racheté ce terrain pour le ressusciter.

La Main de Massiges se situe entre Verdun et Reims, dans la Marne, sur le front de Champagne. C’est un plateau crayeux et stratégique, un lieu de bataille important de la Première Guerre Mondiale.

La Main de Massiges. Ce lieu de mémoire de la Première Guerre mondiale situé sur le territoire de la commune de Massiges dans le département de la Marne est une forteresse naturelle dominant la vallée de l’Aisne, cette colline située au nord du village doit son nom aux courbes de niveau qui dessinent sur le terrain et sur les cartes une main gauche. Les doigts en sont séparés par de profondes échancrures, que les combattants les voyant du fond de leur tranchée, ont appelé ravins.

Il fallait faire quelque chose en mémoire de ces hommes qui ont combattu et sont morts ici, ils étaient ennemis mais ont partagé les mêmes souffrances, il faut montrer ça aux gens

L’Association de la Main de Massiges a restauré des tranchées et des abris. Lors des travaux qu’elle a menés, elle a découvert de nombreux objets qui nous permettent d’en apprendre davantage sur la vie quotidienne des soldats au front : casques, cartouches, fusils, têtes d’obus, paquets de pansements, peignes, bouteilles d’alcool, boîtes de conserve, boutons, médailles religieuses, paquets de cigarettes, baïonnettes, cisailles, couteaux, bouteilles de vin, gamelles, bidons, savonnettes.

Lors de la Grande Guerre, la Main de Massiges marque la limite Est du front de Champagne, à la jonction du front de l’Argonne. Les Allemands se sont dès leur repli début septembre 1914, retranchés sur cette hauteur naturelle dont chaque doigt forme un bastion de cette forteresse naturelle. C’est sur cet obstacle que butent dès le 13 septembre 1914, les troupes du Corps d’Armée colonial de la 4e Armée française, qui participaient à la contre-offensive succédant à la première bataille de la Marne. Haut lieu des combats de Champagne, cette position stratégique a été le théâtre d’âpres combats de 1914 à 1915, et c’est tout au long de la Grande Guerre, de 1914 à 1918, des combats acharnés ont ainsi opposé les troupes du Corps d’armée coloniale à l’armée allemande dans le secteur de Massiges. On estime à 25 000 le nombre de soldats français tués, blessés ou disparus, et certainement autant de soldats allemands.

Les membres de l’Association de la Main de Massiges ont aussi trouvé des squelettes de soldats qui nous renseignent sur les manières d’enterrer les morts en première ligne.

Le site envahi par les broussailles était tombé dans l’oubli. En 2008, l’Association de la Main de Massiges a été créée. Elle se consacre à la sauvegarde et à la mise en valeur du patrimoine de Massiges, en particulier d’une partie du champ de bataille pour en faire un lieu de la mémoire de la Première Guerre mondiale. L’Association a découvert les ossements de soldats allemands, français, des objets du quotidien des soldats (bouteilles, cartouches), des éclats d’obus et des fusils. Elle travaille actuellement à la consolidation (sol et parois) du goulet et des abris qui ponctuent le parcours de la Main de Massiges.

Depuis le début des travaux financés par les seuls dons des adhérents, neuf corps, six Français et trois Allemands enterrés à la hâte sur un bord de tranchée, ont été découverts. Tous anonymes, sauf le soldat Albert Dadure exhumé en juillet 2013 par quelques bénévoles de l’association dont Théo Aubry, un étudiant en archéologie de 18 ans qui vient chaque été travailler sur le site.

Vous photographiez la Vierge aux abeilles? Ca vous dirait de visiter mon petit musée dans le fond du jardin?

A quelques centaines de mètres de la main de Massiges, Albert Varoqier, 90 ans, a toujours véçu là. Sa maison est construite sur un des cimetières primitifs du village de Massiges. Au fond de son jardin, il conserve une collection d’objets qui témoigne de la dure vie qui fut la sienne.

Lors d’une exploration de son champ avec l’aide de sa poêle à frire (détecteur de métaux), Albert découvre une caisse remplie de bouteilles d’alcool. Un alcool datant de 1914 qu’Albert propose de servir un petit verre à ses invités qui ont visité son musée personnel.

Deux énormes tas de ferraille, atteignant chacun la hauteur d’un homme, rassemblant les ferrailles que sa force lui a encore permis de récolter ces 7 dernières années. Le marchand de vieux fer qui les lui rachetait est mort. Sa femme aussi. Alors, aujourd’hui, Albert continue à accumuler ces objets. Dans ses appentis et jusque dans ses caves, il entrepose les pièces qui ont de la valeur à ses yeux, et est capable d’expliquer l’histoire de chacune d’entre elles.

Albert Varoquier montre un impact de balle ressemblant étrangement à une main. Il fait allusion au champ de bataille de la main de Massiges dont sa forme ressemble à une main, chaque doigt fut un bastion de cette forteresse naturelle. D’innombrables souterrains furent creusés par les Allemands et les Français.

Une vie entière de moissons de fer n’aura pas suffit à nettoyer entièrement ses champs. Combien de générations devront poursuivre ce travail ? Et qui deviendra le gardien de cette mémoire lorsqu’Albert aura disparu ?

Albert a participé à la réhabilitation du site de la main de Massiges. Âgé de 92 ans, il a toujours baigné dans l’univers de la guerre. Des générations ont été élevées dans cette atmosphère, avec un membre de la famille ayant participé ou étant mort au combat.

Avec la collaboration d’Isabelle Masson Loodts, archéologue, historienne de l’art et journaliste spécialisée sur les questions environnementales de la Grande Guerre (www.paysagesenbataille.be)