SANS DROITS SANS TERRE LES CREUSEURS DU KATANGA. Reportage: Johanna de Tessieres. Le Katanga, riche province du sud de la République Démocratique du Congo, est au cœur de nombreux enjeux. La richesse de son sous-sol en minerais précieux comme le cuivre, le cobalt, le zinc, l’or, et les réserves d’uranium radioactif garantissent à la RDC 30% de son budget global, et ce, malgré le pillage des ressources et la fuite illégale des matières premières non taxées à l’étranger. Le nombre de creuseurs est estimé à près de 120.000 dans la région. Un creuseur faisant vivre environ 5 personnes, ce sont près de 600.000 personnes qui dépendant de l’extraction minière artisanale autour de la ville de Kolwezi. Leurs conditions de travail y sont extrêmement pénibles : ils extraient le minerai souvent à mains nues et sans équipement de sécurité. Leur revenu est fonction du négociant à qui ils vendent et du nombre d’intermédiaires qui ponctionnent leurs gains. Ils vivent dans des villages de toiles ou de sacs récupérés, sans eau, électricité ni conditions d’hygiène minimales, sous la menace constante d’être expulsés

Un travail réalisé pour l’ ONG solsoc avec Geraldine Georges.

LES CREUSEURS ARTISANAUX SONT LES PRINCIPALES VICTIMES DE CE PILLAGE. LES CHIFFRES SONT ÉLOQUENTS. KOLWEZI, «POUMON DE L’ÉCONOMIE CONGOLAISE» DANS LES ANNÉES 90, EST AUJOURD’HUI UNE VILLE MARQUÉE PAR LA RÉCESSION, LE CHÔMAGE ET LA PAUVRETÉ RÉSULTANT DES DIFFICULTÉS FINANCIÈRES ET DE LA MAUVAISE GESTION DE LA GÉNÉRALE DES CARRIÈRES ET DES MINES (GÉCAMINES), SOCIÉTÉ MINIÈRE D’ETAT.

EN 2003, LES LICENCIEMENTS MASSIFS MENÉS PAR LA SOCIÉTÉ (10.600 OUVRIERS LICENCIÉS) ONT ENTRAÎNÉ DE NOMBREUX MINEURS, PRÊTS À TOUT POUR SURVIVRE, DANS LA PRÉCARITÉ. CE FUT LE BOOM DE L’EXPLOITATION MINIÈRE ARTISANALE ILLÉGALE.

SELON LE GOUVERNORAT PROVINCIAL, LE NOMBRE DE CREUSEURS ARTISANAUX EST ESTIMÉ À PRÈS DE 120.000 DANS LA RÉGION (LES CHIFFRES N’ÉMANANT PAS D’UN RECENSEMENT PRÉCIS, ILS SONT APPROXIMATIFS ET, SELON CERTAINES SOURCES, ÉVALUÉS EN DEÇÀ DE LA RÉALITÉ). UN CREUSEUR FAISANT VIVRE ENVIRON 5 PERSONNES, CE SONT PRÈS DE 600.000 PERSONNES QUI DÉPENDENT DE L’EXTRACTION MINIÈRE ARTISANALE AUTOUR DE LA VILLE DE KOLWEZI.

LE CODE MINIER CONGOLAIS AUTORISE L’ACTIVITÉ DES CREUSEURS ARTISANAUX MOYENNANT LA DÉTENTION D’UNE CARTE D’EXPLOITANT ARTISANAL ET L’APPARTENANCE À UNE COOPÉRATIVE MINIÈRE. SANS CETTE CARTE, LES CREUSEURS SONT OBLIGÉS DE SE METTRE SOUS LE COUVERT D’UNE COOPÉRATIVE MINIÈRE AGRÉÉE OU DE MENER LEUR ACTIVITÉ SUR DES CONCESSIONS DONT LES DROITS D’EXPLOITATION ONT ÉTÉ ATTRIBUÉS À DES SOCIÉTÉS PRIVÉES, AVEC LESQUELLES ILS DOIVENT TROUVER «UN ACCORD ».
DANS LES DEUX CAS, LEURS CONDITIONS DE TRAVAIL Y SONT EXTRÊMEMENT PÉNIBLES :
ILS EXTRAIENT LE MINERAI SOUVENT À MAINS NUES ET SANS ÉQUIPEMENT DE SÉCURITÉ, DANS DES TUNNELS QUI PEUVENT DESCENDRE JUSQU’À 80M, SANS STRUCTURE SÉCURISÉE, SANS CIRCULATION D’AIR, SANS MESURE D’HYGIÈNE ET ÉCLAIRÉS PAR LE FAISCEAU D’UNE LAMPE DE POCHE.
LEUR REVENU EST FONCTION DU NÉGOCIANT À QUI ILS SONT OBLIGÉS DE VENDRE ET DU NOMBRE D’INTERMÉDIAIRES (POLICE PRIVÉE, POLICE PUBLIQUE, PROPRIÉTAIRE DU PUITS, ETC.) QUI PONCTIONNENT LEURS GAINS. ILS VIVENT DANS DES VILLAGES DE TOILES (BÂCHES) OU DE SACS RÉCUPÉRÉS, SANS EAU, ÉLECTRICITÉ NI CONDITIONS D’HYGIÈNE MINIMALES, SOUS LA MENACE CONSTANTE D’ÊTRE EXPULSÉS. LES CREUSEURS TRAVAILLENT TOUJOURS EN ÉQUIPE DE 5 À 10. ILS SE RELAIENT JOUR ET NUIT POUR NE PAS PERDRE DE TEMPS AVANT D’ÊTRE CHASSÉS DES SITES QU’ILS OCCUPENT ILLÉGALEMENT.
LES FEMMES, ELLES, SONT CANTONNÉES À DES TÂCHES BIEN PRÉCISES ET HARASSANTES : LAVEUSES DE MINERAIS, CASSEUSES DE PIERRE, TRANSPORTEUSES. ELLES FOURNISSENT AUSSI LES « SERVICES » UTILES AUTOUR DE LA MINE, COMME LA RESTAURATION, LE DÉBIT DE BOISSONS ET LA PROSTITUTION. TÂCHES QUI NE LEUR DONNENT PAS LE DROIT DE BÉNÉFICIER DIRECTEMENT DES REVENUS DE LA MINE.
DE PLUS, LES FEMMES SONT SOUVENT VICTIMES DE CROYANCES NÉGATIVES QUI LES EMPÊCHENT D’EXERCER LE MÊME TYPE DE TRAVAIL QUE LES HOMMES. SOLO, CREUSEUR DANS UNE CARRIÈRE OÙ ON PRATIQUE LE FÉTICHISME NOUS RACONTE : « LES FEMMES PORTENT MALHEUR DANS LES MINES, ELLES SONT ACCUSÉES D’ASSÉCHER LE SOL ET DE RENDRE STÉRILE LA TERRE. NOUS PRATIQUONS DES CÉRÉMONIES QUI NOUS PROTÈGENT DE LA MORT DANS LA GALERIE DANS LAQUELLE NOUS TRAVAILLONS MAIS ELLES SONT INTERDITES AUX FEMMES.»
LES FEMMES QUI GRAVITENT AUTOUR DES SITES MINIERS SONT SOIT TRÈS JEUNES, SOIT TRÈS SOUVENT DIVORCÉES OU VEUVES. LA SITUATION D’EXTRÊME PRÉCARITÉ DANS LAQUELLE ELLES SE TROUVENT, À CAUSE DE CE STATUT AU SEIN DE LA SOCIÉTÉ CONGOLAISE, LES OBLIGENT BIEN SOUVENT À SE RE-MARIER. UN RAPPORT DE LA CSI (4) DÉNONCE CETTE FORME D’ALLIANCE TEMPORAIRE QUI OBLIGE UNE FEMME À OFFRIR SES SERVICES SEXUELS ET À S’OCCUPER DE L’ALIMENTATION EN ÉCHANGE DES REVENUS MINIERS DE L’HOMME.

(4) Confédération syndicale internationale (CSI), « Violence en RDC », novembre 2011: www.ituc-csi.org/IMG/pdf/ituc_violence_rdc_fr_lr.pdf