La notion de l’intimité dans la prostitution est un concept souvent fantasmagorique aux yeux de l’opinion publique et enclin à de nombreux préjugés.

L’intimité est souvent énigmatique lorsque l’on aborde le thème de la prostitution : « Mais que se passe-t-il derrière le rideau ?

L’intime, c’est l’ensemble de ce qui se déroule depuis le moment où le client franchit le seuil et puis en ressort. Quels en sont les rituels, les codes et les enjeux intimes que vivent les personnes prostituées dans leur quotidien professionnel?

Ces actrices de la prostitution nous emmènent dans une humanité alimentée par leur fragilité, leur détermination, leur histoire de vie, ainsi que par leur savoir, leur humour et leur dérision, le tout chargé en émotions.

J’adore les hommes galants. Moi, je fais attention aux détails. Le moindre détail qui peut me faire plaisir est important car il ouvre mon cœur. Parce que c’est vrai que ce métier referme énormément ton cœur. Elisa, prostituée à Bruxelles

On te juge parfois beaucoup trop vite. Dés que tu as une étiquette dans le dos, une réputation, c est facile a avoir, mais l’enlever, euh…tu ne l’enleveras jamais !

Qu’en est-il de l’intimité entre la personne prostituée et son client? Le temps d’une rencontre, d’un moment de jouissance, une relation se noue entre deux adultes consentants. Pour appréhender au mieux ce qui se passe derrière le rideau, 5 femmes ont acceptés de témoigner.

Quels sont les termes et les limites du contrat moral qui les lie à leurs clients? Que ressentent-elles et que pensent-elles? Après de multiples échanges, nous avons souhaité laisser leur place à leur parole, une parole trop souvent délaissée, ignorée ou peu écoutée. Leur parole.

« Je lui ai promis de ne pas l’aimer car autrement nous ne pourrions plus nous voir. J’ai tenu parole ! » Un client

Je me souviendrai toujours de ce client qui me disait que même dans le plus infâme des bordels, c’est toujours de l’amour qu’il vient chercher

« Notre métier est banalisé. Il est devenu cru. Parfois, je me demande où les clients vont chercher ces choses qu’ils me demandent de faire ? Je n’aimerais pas être une gamine de 20 ans qui commence le métier ! » Dédée

« Moi, je ne fais que les masos en général. La domination : je les habille, je les coiffe, je les maquille. Un micheton, c’est un micheton, ça paye et ça ferma sa gueule ! » Dédée

La vie est un théâtre, chacun joue son rôle et reçoit sa part. Entre moi et une personne prostituée, c’est un petit théâtre que nous faisons. Elle joue pour moi. Contrairement à ce que les gens croient, c’est un jeu de rôle ou plusieurs formes de prostitution sont possibles. Chacun choisit son rôle.

« Je sélectionne, il m’arrive plus souvent de dire non à un client que oui. Ils sont trop jeunes, trop agressifs ou trop sales ! » Lindsay

Dans le temps, quand je travaillais avec ma copine près du parking, un vieux monsieur de 87 ans nous apportait de la soupe parce qu’on avait froid.

Je ne veux pas avoir le sida à cause de quelques euros. Le nombre d’hommes qui nous demandent de le faire sans préservatif, ça, c’est …!! Ils disent « la fellation sans préservatif, tu ne risques rien ». Je leur réponds  » Toi, peut-être pas, mais la fille, oui! »

« Pourquoi tu ne photographies que mon corps ? Je ne suis pas qu’un corps à louer, je suis aussi un être humain ! » Anastasia, prostituée à Liège

J’adore les hommes galants. J’ai connu un gamin yougoslave de 24 ans. Il ne me plaisait pas du tout physiquement mais il était d’une gentillesse et d’une délicatesse. Tu vois des petites attentions comme ça, simples. Moi, je fais très attention aux détails. Le moindre détail qui peut me faire plaisir est important car il ouvre mon coeur. Parce que c’est vrai que ce métier referme énormément ton coeur.

« La pénétration, en 5 minutes, ils jouissent. C’est le jeu avant et après qui est très important. Le service après vente comme on dit » Elisa

Dans tous les rapports humains, il y a des choses qui se passent et auxquelles on ne s’attend pas. Je veux dire par là que tout n’est pas prévisible. On peut venir chercher du sexe et puis être submergé parce qu’on reçoit, c’est imprévisible.

Je trouve que c’est un métier qu’il faut faire avec le cœur. Il faut donner à la personne. Cela ne suffit pas de se mettre sur le lit, écarter les jambes et l’homme vient sur toi. Ce n’est pas ça le métier. Le métier, c’est te donner aux clients et t’exprimer.

« Je suis très simple, moi finalement. C’est vrai que j’ai l’air coquette mais je ne me casse pas trop la tête. Je n’ai pas beaucoup d’habits, cette robe, je l’ai empruntée à une amie. » Daniela, prostituée à Bruxelles

Le sperme que le client vient déverser chez moi, ce sont des larmes qui ne savent pas couler.

Regarde ça ! Ce sont des œufs. Ils nous les jettent dessus. Moi, ça m’est arrivé lorsque j’étais de l’autre côté. Quand l’autre rue était encore ouverte, ils nous jettent de l’eau, du coca, des bouteilles

Etre client, c’est déjà un non-respect pour moi… »Tu fais quoi pour 50 euros? » « Tu fais la sodomie? » « Salope! Connasse! » « t’as vu ma queue, elle est belle, hein! » Dis-moi, c’est ça le respect? Quand un homme est client, il y a toujours du non-respect. Donc, pourquoi moi je le respecterais? Ce sont tous les mêmes enfoirés!

Quand mon chien sent que je suis bien avec un client, elle vient voir, et se met à côté du lit. Et quand le client la voit, je dis « Ben oui, elle apprend le métier ! » Je prends alors leur sexe et je dis « Pluto, c’est la dernière fois que je te montre, hein !

« Je suis toujours impressionnée de voir les clients nus. Ils sont défaits de leurs habits, ils sont parfois mal à l’aise. Inquiets à l’idée de plaire, de contenter, de faire plaisir à la dame qui vient voir. Ils sont très fragiles quand même dans cette position là » Daniela

Certains sont agressifs quand ils sont derrière ma vitrine. Ils ne disent pas bonjour, ne sont pas souriants. Ils disent juste: »Tu prends combien? » Quand je dis non ou si je ne réponds pas assez vite, ils crachent sur ma vitre ou ils me traitent de sale pute. D’autres sortent leur engin et le posent sur l’appui de fenêtre! Tous ceux-là, je ne les oublie pas, ils ne passeront jamais ma porte. Quand je dis non, c’est non! Dans ce contexte, quand l’homme sort son sexe, je ne tourne pas la tête. Je lui dis: »Oh quel petit kiki, qu’est-ce tu vas faire avec ça quoi! Allez hop, dégage!.

« Même si je suis très claire sur le cadre, j’essaye que le temps d’une heure, ils aient l’impression d’avoir une petite amie. Comme je dis toujours, c’est un échange de services. On se fait plaisir. On en retire chacun quelque chose qui nous convient. » Patricia, prostituée à Charleroi

Oui, j’ai pleuré la première fois! C’était très dur. C’était soit la prostitution, soit la misère… C’est comme si tu avais le choix entre le canal ou le feu. Tu préfères quoi? Tu choisis le canal, non? Même si tu ne sais pas nager!